LES ECHANGES – cours TSTMG

Définition :

Il y a échange quand on cède quelque chose à quelqu’un contre une contrepartie équivalente.

On peut échanger des biens, des services, des symboles, de l’argent. On peut cependant distinguer les échanges marchands des autres formes d’échanges qui n’impliquent pas forcément un calcul. Ces échanges peuvent être caractérisés comme purement symboliques: lorsque l’on échange des signes, des idées, des serments, personne ne cède ce qu’il possède, et tout le monde y gagne.

Contraire de l’échange : vol ; don ?

Que peut-on échanger ? Objets, monnaie, services, signes, paroles, politesse…

Formes de l’échange : troc, commerce, dialogue, (don ?)…

 

Les échanges sont-ils toujours intéressés ?

Introduction

Les échanges sont très présents dans la vie des hommes, nous échangeons constamment : des biens, des services, de l’argent… Dans ces cas là, nous calculons, nous souhaitons faire de bonnes affaires et servir notre intérêt. Mais nous échangeons aussi des cadeaux, des poignées de mains, des paroles, des sourires…

Les échanges non monétaires semblent a priori moins égoïstes, mais est-ce vraiment le cas ? Les échanges ne sont-ils pas toujours d’une manière ou d’une autre au service de notre intérêt propre ?

Nous verrons dans un premier temps que l’homme ne peut vivre en société sans échanger. Cela semblerait indiquer que nous avons avec autrui un lien purement utilitaire. Cependant nous verrons dans un second temps que ce qui lie la société n’est pas seulement l’intérêt, et que nos échanges peuvent être parfois désintéressés. Nous verrons enfin ce qui échappe par définition à tout échange, ce que l’on ne peut échanger car ces êtres ont une valeur absolue. Ils échappent donc aux échanges marchands.

 

I- L’égoïsme est le moteur de l’échange

A- L’intérêt personnel est constitutif de l’échange 

Il apparaît logique de penser que si l’on accepte de se défaire de quelque chose que l’on possède, c’est parce que nous avons besoin ou envie de ce que l’on va obtenir en retour. Donc les échanges semblent être de fait intéressés dans le sens où c’est l’intérêt qui fait qu’on accepte de perdre ce qu’on a en échange de ce que l’on n’a pas. On cède quelque chose qui a n’a pas ou peu de valeur pour nous puisque nous le donnons, contre quelque chose qui en a beaucoup pour nous, mais qui n’en a pas pour autrui. Ainsi chacun fait une bonne affaire, ou du moins il le croit. Ainsi fonctionne le troc, qui est un échange sans médiation symbolique, de gré à gré.

Mais il est particulièrement clair dans les échanges économiques ou marchands, que l’intérêt est le moteur de l’échange. Mais dire que l’échange est intéressé, c’est aussi prononcer un jugement de type moral sur l’échange en disant qu’il est nécessairement égoïste et qu’il doit se solder par un gain, qui ne tient pas compte de l’intérêt des autres.

Même si l’échange est favorable à la société, il reste motivé par l’intérêt personnel, il a pour moteur l’égoïsme de chacun. On n’est pas un bon commerçant si l’on est désintéressé.

« Sur un marché, ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ; et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage. »  Adam Smith (1723-1790)

 

B-  Chaque individu ne peut se suffire à lui-même

La division du travail procure de nombreux avantages aux hommes. Il semble qu’elle soit adoptée d’abord pour des raisons pratiques : elle augmente la prospérité de ses membres en multipliant l’efficacité de chaque travailleur qui se consacre à une seule tâche, celle pour laquelle il est le plus apte ; elle permet aussi de lier fortement ensemble les membres de la communauté, puisque chacun dépend de ses concitoyens pour vivre.

« on fait plus et mieux et plus aisément, lorsque chacun ne fait qu’une chose, celle à laquelle il est propre ». Platon, La République

 

C- L’égoïsme est essentiel pour le développement économique de la société

L’égoïsme et le vice (gourmandise, orgueil, luxure…) ne sont-ils pas les moteurs de l’échange marchand? Le gourmand, la séductrice, le vaniteux « consomment » et font marcher le commerce… Sans eux en effet la société dépérirait. Au contraire les vertus (charité, pudeur, tempérance…) sont néfastes au commerce, et donc au développement économique et social.

Mandeville, la Fable des Abeilles :

L’Angleterre y est comparée à une ruche corrompue mais prospère et qui se plaint pourtant du manque de vertu. Jupiter leur ayant accordé ce qu’ils réclamaient, la conséquence est une perte rapide de prospérité, bien que la ruche nouvellement vertueuse ne s’en préoccupe pas, car le triomphe de la vertu coûte la vie à des milliers d’abeilles.

La Fable des abeilles soutient la thèse de l’utilité sociale de l’égoïsme. L’auteur avance que toutes les lois sociales résultent de la volonté égoïste des faibles de se soutenir mutuellement en se protégeant des plus forts. Sa thèse principale est que les vices privés contribuent au bien public tandis que des actions altruistes peuvent en réalité lui nuire.   Les vices des particuliers sont les éléments nécessaires du bien-être et de la grandeur d’une société.

Mandeville  soutient qu’une société ne peut avoir en même temps la morale et la prospérité et que le vice, la recherche de son intérêt propre, est la condition de la prospérité.

 

II- L’échange semble être parfois désintéressé.

A- Le don, un échange déguisé?

A première vue le don pourrait  apparaître comme un échange déguisé: on attend un « retour », un « contre-don ». Il en va des échanges entre proches comme des échanges internationaux: chacun garde en vue ses intérêts.

Cependant on peut tout de même dire que le don échappe à l’échange de type marchand pour plusieurs raisons:

  • il crée une forme d’alliance entre les contractants: lorsque l’on offre un présent on « oblige » l’autre, on l’engage vis-à-vis de nous à éprouver de la reconnaissance, donc on le lie à nous par un lien de sentiment et non par une dette formelle.
  • On échange du symbole, dans la mesure où le cadeau engage une signification et une communication entre les deux personnes. Le cadeau « dit » quelque chose.
  • Enfin le présent échappe à un calcul strict d’égalité; l’équivalence peut être appréciée de manière assez libre, et non sur une base strictement monétaire.

 

B –  L’échange tisse des liens sociaux entre les hommes

Pierre Clastres : L’échange va au-delà des simples besoins primaires : il crée des obligations réciproques qui relient les hommes.

Le boulanger sait bien qu’il est obligé de faire du pain, non seulement pour gagner sa vie mais parce que ses clients l’attendent de lui. Il fait partie de la société par son travail, il a des obligations envers tous, une responsabilité.

De plus, en échangeant, je dois prendre en compte les désirs d’autrui, ses intérêts, justement pour l’intéresser à ce que je lui propose. L’échange articule alors nos intérêts bien compris les uns aux autres. On passe de l’intérêt privé à l’intérêt commun.

 

C-L’intérêt commun, dépassement de l’individualisme

L’intérêt commun dépasse la somme des intérêts particuliers. En effet, chacun reconnaît qu’il est de son intérêt que la société fonctionne de façon optimale. Il va donc dépasser l’horizon de son intérêt propre pour assurer ce fonctionnement optimal, puisqu’il sait qu’il y trouvera finalement son compte. Ainsi, les lois qui encadrent les échanges font passer l’intérêt commun avant l’intérêt particulier, puisque l’intérêt particulier est au final mieux servi lorsque c’est l’intérêt général qui prime. Par exemple une loi qui interdit le vol, ou qui réglemente le commerce, va en apparence limiter la recherche des intérêts particuliers en servant l’intérêt commun. En fait l’intérêt commun se trouve aussi protégé.

L’intérêt commun est l’intérêt de tous les citoyens, et donc il consolide le lien social.

Hume avance ainsi que c’est la recherche de l’intérêt commun plus que celui de leur intérêt propre qui pousse les hommes à commercer.

« Ce qui pousse les hommes à commercer, c’est le sentiment de l’intérêt commun ; et ce sentiment, il le porte en son cœur. » Hume, Enquête sur l’entendement humain.

C’est dire que les hommes n’échangent pas seulement des marchandises, des signes monétaires (des choses ayant un prix) comme c’est le cas dans l’échange économique mais aussi des biens d’un autre ordre,(des choses ayant une valeur) comme c’est le cas dans les échanges symboliques.

La circulation des signes et des biens entre les hommes indique la dimension sociale ou politique de l’existence humaine.

Celle ­ci se déploie, et sans doute se constitue, dans sa spécificité humaine dans des rapports aux autres.

 

III- Les échanges au-delà de tout calcul

Finalement, l’intérêt n’est pas le seul paramètre des échanges, les échanges entre les hommes ne se réduisent pas au modèle de l’échange marchand. L’homme n’est pas seulement un homo oeconomicus.

L’échange peut être accompagné d’exigences qui ne relèvent pas de l’intérêt égoïste, comme des convictions éthiques, morales, politiques.  On peut ici penser au commerce équitable qui exprime un souci de justice qui dépasse notre intérêt égoïste, qui se contenterait du prix le plus bas et serait indifférent aux conditions de vie des producteurs. Un échange juste est donc un échange qui ne se situe pas sur le seul plan du profit personnel, mais qui prend en compte le Bien commun.

A- L’homme est un animal politique

La Cité est au nombre des réalités qui existent naturellement, et l’homme est par nature un animal politique. Celui qui par son naturel, et non par l’effet des circonstances, existerait sans aucune patrie, est un être dégradé ou au-dessus de l’humanité. Il est comparable à l’homme traité ignominieusement par Homère : sans famille, sans loi, sans foyer.

Car celui qui serait tel par sa nature serait apatride et n’aspirerait qu’à la guerre. […].

Aussi l’homme est-il un animal politique à un plus haut degré que les abeilles et autres animaux qui vivent ensemble. La nature selon nous ne fait rien en vain ; et l’homme seul de tous les animaux possède la parole. Or, tandis que la voix ne sert qu’à indiquer la joie ou la peine, et appartient aux animaux également (car leur nature leur fait éprouver le plaisir et la douleur, et se les signifier les uns aux autres), le discours sert à exprimer l’utile et le nuisible, et par suite le juste et l’injuste. Car c’est le caractère propre de l’homme par rapport aux autres animaux, d’avoir le sentiment du bien et du mal, du juste et de l’injuste, et des autres notions morales, et c’est la communauté de ces sentiments qui engendre famille et cité.

ARISTOTE (330 av JC) – Politique

 

B- Désintéressement et dignité

« Dans le régne des fins, tout a un PRIX ou une DIGNITE. Ce qui a un prix peut aussi être remplacé par quelque chose d’autre, à titre d’équivalent ; au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, ce qui par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité. Ce qui se rapporte aux inclinations et aux besoins généraux de l’homme, cela a un prix marchand ; ce qui, même sans supposer de besoin, correspond à un certain goût, c’est-à-dire à la satisfaction que nous procure un simple jeu sans but de nos facultés mentales, cela a un prix de sentiment ; mais ce qui constitue la condition, qui seule peut faire que quelque chose est une fin en soi, cela n’a pas seulement une valeur relative, c’est-à-dire un prix, mais une valeur intrinsèque, c’est-à-dire une dignité. »

Emmanuel KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs

 

IV- Echange et argent

A- L’équivalence de la valeur des choses

L’échange a pour condition l’équivalence de la valeur marchande des biens échangés. Pour réaliser cette équivalence, on a besoin d’un étalon commun de leur valeur : l’argent.

La monnaie permet de fixer le prix de chaque chose de telle manière que la valeur des choses échangées soit égale. L’échange marchand supplante le troc car il est plus pratique et surtout plus exact.

[…] C’est pourquoi toutes les choses faisant objet de transaction doivent être d’une façon quelconque commensurables entre elles. C’est à cette fin que la monnaie a été introduite, devenant une sorte de moyen terme, car elle mesure toutes choses et par suite l’excès et le défaut, par exemple combien de chaussures sont équivalentes à une maison ou à telle quantité de nourriture. Il doit donc y avoir entre un architecte et un cordonnier le même rapport qu’entre un nombre déterminé de chaussures et une maison (…), faute de quoi il n’y aura ni échange ni communauté d’intérêts ; et ce rapport ne pourra être établi que si entre les biens à échanger il existe une certaine égalité. Il est donc indispensable que tous les biens soient mesurés au moyen d’un unique étalon, comme nous l’avons dit plus haut. (…).

La monnaie, il est vrai, est soumise aux mêmes fluctuations que les autres marchandises (car elle n’a pas toujours un égal pouvoir d’achat) ; elle tend toutefois à une plus grande stabilité. De là vient que toutes les marchandises doivent être préalablement estimées en argent, car de cette façon il y aura toujours possibilité d’échange, et par suite communauté d’intérêts entre les hommes. La monnaie, dès lors, jouant le rôle de mesure, rend les choses commensurables entre elles et les amène ainsi à l’égalité : car il ne saurait y avoir ni communauté d’intérêts sans échange, ni échange sans égalité, ni enfin égalité sans commensurabilité. Si donc, en toute rigueur, il n’est pas possible de rendre des choses par trop différentes commensurables entre elles, du moins, pour nos besoins courants, peut-on y parvenir d’une façon suffisante.

Aristote , Ethique à Nicomaque

 

Cependant l’utilisation de la monnaie produit certains effets pervers. Le principal est que nous avons tendance à tout monnayer et à tout soumettre au calcul.  L’homo oeconomicus est calculateur. Les rapports humains sont soumis au calcul. La société est alors individualiste. La justice qui en ressort est une justice réduite à la nécessité d’égaliser les gains et les pertes. Certes grâce au commerce les hommes ne se battent plus autant, mais ils soumettent tous leur rapports à une notion de « justice exacte » qui laisse de côté les valeurs morales qui sont indépendantes du pur calcul intéressé.

 

B- L’équivalence monétaire ne suffit pas à garantir pas la justice de l’échange

 

 

 

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